La psychologie diélienne

« Psychologie de la motivation » selon le titre choisi par Paul Diel pour son ouvrage théorique fondateur paru en 1947, il s’agit d’une méthode d’accès introspectif à nos motivations intimes, nos raisons d’agir.

Ces promesses de satisfaction sont trop souvent inavouables car erronées, et par là dérobées à notre contrôle conscient. Leur élucidation permet une rectification de notre délibération, seule capable de satisfaire notre élan vers la joie de vivre.

L’esprit au niveau humain :
la fonction valorisatrice

L’esprit est défini par Diel comme l’organisateur immanent de la matière : il n’existe en effet ni esprit dématérialisé, ni matière sans organisation interne. Ce constat est source d’effroi comme d’émotion profonde. Mais il résout le problème philosophique du dualisme : la matière n’est pas créée par l’esprit comme le veulent toutes les formes de spiritualisme, l’esprit n’est pas un épiphénomène de la matière comme le veut le matérialisme. Spiritualisme comme matérialisme sont des impasses pour la pensée. Cette dernière se libère dès lors qu’elle accepte le mystère de l’organisation immanente, dont elle est une modalité, en renonçant à l’impossible, qui est de vouloir l’expliquer causalement.

L'esprit organisateur se manifeste à travers la co-évolution somatique et psychique de la vie à la recherche de satisfaction, sous toutes ses formes jusqu’à l’être humain: à notre niveau émerge l’individu mi-conscient, confronté à la nécessité d’évaluer les promesses de satisfaction de ses options avant d’agir. Notre esprit s’identifie à cette fonction valorisatrice déléguée à l’organe cervical. Chaque individu est appelé, sa vie durant, à développer sa lucidité sur lui-même et sur l’ambiance, par son propre élan vers la satisfaction.

Notre esprit individuel doit évaluer nos désirs de plus en plus lucidement vers le sens de la vie

L'esprit humain est donc une forme évoluée de l'esprit animal préconscient, l'instinct.  C'est par le travail de l'esprit sur les désirs matériels, sexuels et spirituels, sources de ses satisfactions et fondements de la vie psychique, que ces mêmes désirs sont retenus en tant que motifs d'action.

Un développement de la lucidité quant aux causes et aux effets des désirs envisagés devrait permettre de sélectionner les désirs valables : réalisables et sensés, c’est à dire compatibles avec le sens de la vie.

Le sens de la vie humaine se réalise par l’incarnation des valeurs supérieures, la vérité, qui est l’harmonie de la pensée, la bonté, qui est l’harmonie des sentiments, et la beauté, qui est l’harmonie des créations. Ces réalisations témoignent du degré de satisfaction essentielle de qui en est porteur.

La lucidité de notre esprit est limitée par notre vanité, l’exaltation aveuglante de nos désirs

Mais le degré d’exaltation de nos désirs, qu'ils soient d'ordre matériel (posséder des biens, du pouvoir, etc), d'ordre sexuel (incluant entre autres le lien d'âme avec partenaires et enfants), ou d'ordre spirituel (besoin évolutif d’élévation de notre satisfaction essentielle), échappent souvent à notre lucidité consciente. La souffrance psychique résulte d'un trop grand décalage entre nos désirs et la réalité. L'imagination nous propose des désirs irréalisables ou insensés, multipliables à l'infini. La pré-satisfaction imaginative élimine les obstacles réels, dévoyant ainsi la fonction positive de l'imagination.

C'est la vanité humaine qui est à l'origine de cet aveuglement sur les authentiques promesses de satisfaction des désirs. La vanité se manifeste de façon principielle par la survalorisation et la sous-valorisation de soi-même, des autres et de la vie. La disharmonie intérieure qui en résulte génère angoisse et souffrance, échecs et violences.

Les fausses justifications des fausses motivations : une décomposition légale

Évasions imaginatives et fausses justifications sont ainsi décelables par la méthode introspective établie par Paul Diel : il devient possible de les défouler, c’est à dire de les restituer au contrôle conscient, et de dissoudre leur attrait néfaste en leur opposer un calcul de satisfaction rectifié parce que conséquent.

La vanité (dans le sens de "vain" et aussi de "vide"), faiblesse inhérente à la nature humaine revêt des formes extrêmement pernicieuses et changeantes, produisant les fausses motivations par lesquelles l'être humain cherche à nier sa responsabilité dans les maux qui l'accablent, soit en fuyant la réalité (évasions) soit en produisant des justifications rationalisantes de ses motifs erronés (fausses justifications).

Les évasions concernent les trois pulsions : matérielle, sexuelle, et spirituelle. Les fausses justifications se manifestent selon des lignes de force appelées les quatre catégories de la fausse motivation : la vanité (surestime de soi) et la culpabilité exaltée — c'est-à-dire excessive — (sous-estime de soi) qui en est la conséquence légale, sont projetées sur le monde extérieur en accusation (sous-estime de l'autre), conduisant par la loi d’ambivalence à la sentimentalité (surestime de l'autre).

Les 4 catégories de la fausse motivation

Nervosité et banalisation, les deux voies de déformation pathologique

Deux déformations psychiques peuvent se constituer, conséquences des évasions et des fausses justifications que Paul Diel a appelées nervosité et banalisation.

La nervosité est la crispation du sujet sur un pseudo-idéal de vie dépassant ses capacités réelles. Le nerveux s'impose une tâche exaltée, projet d'accomplissement exceptionnel ; il reste crispé dans une attitude moralisante conduisant en réalité à des inhibitions et des échecs. La nervosité peut s'aggraver en névrose.

Le châtiment d'Ixion symbolise les souffrances de la nervosité.

La banalisation est la dispersion du sujet dans des désirs multiples et la poursuite effrénée de pseudo-satisfactions extérieures matérielles et sexuelles conduisant par besoin de justification à la destruction de la culpabilité authentique. Si la nervosité est la maladie de l'esprit, la banalisation est selon l'expression symbolique des mythes judaïque et chrétien la mort de l'âme, menace pour la culture et la civilisation. Terme créé par Diel, la banalisation est, comme son nom l'indique, fort répandue. C'est un état passant parfois pour la norme. Mais, qu'il s'agisse de banalisation conventionnelle (faire comme tout le monde), de banalisation titanesque (dominer les autres à tout prix) ou de banalisation dionysiaque (débauche de tous les désirs), cet état ne conduit qu'à la perte de l'élan évolutif et aux conflits familiaux et sociaux.

La Chimère, symbole de l'exaltation des trois pulsions.

En résumé

Fruit de l'évolution, l'homme est un être mi-conscient. Son élan de dépassement trouve son épanouissement dans le travail d'harmonisation des désirs, travail qui implique de dissoudre les désirs subconscients et insensés, qu’ils soient d’ordre matériel, sexuel ou spirituel, soumis à la vanité, telle que nous l’avons succinctement décrite plus haut, conduisant à des contradictions sans issue et à une angoisse de désorientation.